En avril 2012, les éditions De Borée procédaient à un second tirage du livre de Jean-Michel Valade Les Grandes Affaires criminelles de Corrèze paru en 2008.
Le 9 mai 2012, sous la plume de Michel Amelin, K-Libre, "l'actualité de la littérature policière et du film noir", www.k-libre.fr/ , a publié une critique de l'ouvrage.
En voici, ci-après, le texte intégral.
Pilon, poison et lettres anonymes
Pilon, poison et lettres anonymes
Dans
l'opulente série de faits divers classés par département, par région, voire par
thèmes que publie De Borée, voici une réédition du volume sur la Corrèze
devenu d'actualité avec l'élection de notre nouveau président de la République.
Jean-Michel Valade est professeur d'histoire-géographie au lycée Cabanis de
Brive, et a publié de nombreux textes sur son département. Il nous livre ici un
recueil de faits divers avec quelques dialogues novélisés teintés parfois
d'humour et de mots de patois. Ils s'étalent de 1820 à 1964 avec un gros trou
entre 1840 (la très célèbre affaire Marie Lafarge) et 1894 (celle de la
domestique Jeanne Laurie, 1 m 36, marquée par la petite vérole,
lourdement condamnée à cinq ans de travaux forcés pour infanticide). Afin de
préserver les descendants toujours vivants, les noms propres sont anonymés à
partir de 1942 (l'incendiaire Eugénie L.) ce qui fait quand même treize
affaires caviardées par cette note durassienne s'accordant moyennement avec le
caractère historique. Comme l'auteur le dit dans son évident avant-propos, la
Corrèze est à la fin du XIXe l'un
des départements les plus pauvres et arriérés. "L'alcoolisme chronique
dans bien des campagnes corréziennes, joue aussi pleinement son rôle dans la
violence au quotidien." Ainsi de nombreuses histoires du recueil ont-elles
l'alcool comme élément déclencheur. Si bien que ce motif est tellement évident
qu'une affaire comme celle de Charlotte Gasquet en 1933 (une fermière tue à
coup de gros pilon son mari ivre qui s'en prend à son beau-père) rebondit d'une
sensationnelle façon quand l'autopsie révèle qu'il n'y a pas d'alcool dans
l'estomac de la victime. Deux affaires d'audience nationale voire
internationale tiennent le haut de l'affiche : l'Affaire Lafarge (1840) et
celle des "Lettres anonymes de Tulle" (1922). La première concerne
une orpheline de bonne famille parisienne, Marie Cappelle, mariée par
intermédiaire à un hobereau de Corrèze, Charles Lafarge. Le château espéré
n'est qu'une grosse ferme et Marie se désespère dans cet univers. Charles
Lafarge mourra et on accusera Marie de l'avoir empoisonné à l'arsenic. Une
affaire de vol de bijoux antérieure vient plomber la défense tout comme les
rapports des experts en toxicologie, comme le fameux Dr Orfila. Incarcérée
à Tulle, Mme Lafarge demanda à ce que sa domestique le soit avec elle et
elle obtint satisfaction ! Condamnée, elle écrivit ses mémoires d'une
plume alerte et cultivée et devint une sorte de muse pour les romantiques.
"L'Affaire des lettres anonymes de Tulle" entra elle aussi dans la
légende judiciaire grâce à une autre bataille d'experts, non pas à propos de
toxicologie, mais de graphologie, science soumise à réserves. Cette fois-ci
c'est un autre pilier de la criminologie, le Dr Locard, qui devint
célèbre. Depuis quatre ans, Tulle est au prise avec une incroyable affaire de
lettres anonymes partie du "milieu fermé de la préfecture" et s'étendant
à la ville tout entière. En 1921, l'anonyme décide de signer du mystérieux
pseudonyme "Œil de Tigre" (référence à la pierre fine connue pour ses
pouvoirs ?). Il abandonne ses lettres dans les lieux publics où elles sont
découvertes. L'étau se resserre autour d'Angèle Laval, secrétaire de préfecture
qui doit écrire des phrases test sous l'œil inquisiteur du Dr Locard...
Pour ceux voulant enrichir leurs connaissances sur cette affaire qui fournit la
matière première du film Le Corbeau de Clouzot (1943), l'auteur
renvoie dans sa bibliographie au livre de Francette Vigneron L'Œil de Tigre, enfin la vérité sur l'affaire des lettres anonymes de Tulle
(éditions Copier-Coller, 2004). Il faudrait y ajouter l'excellent travail de
Jean-Yves Le Naour, Le Corbeau, histoire vraie d'une rumeur
(Hachette Littérature, 2006) qui, dans son passionnant chapitre 10,
"Du tigre au corbeau" détaille la genèse, non seulement du film, mais
aussi du terme "Corbeau" appliqué maintenant à tout auteur de lettres
anonymes. Angèle Laval avait, soit disant, voulu se noyer en entrant dans un
étang avec sa mère qui y resta. Elle portait donc son deuil lors du procès et
un journaliste du Matin la compara alors à un corbeau, comparaison reprise
ensuite par Clouzot pour son film financé par la Continental dirigée par les
Allemands.
Au final, hormis ces deux cas célèbres, Les Grandes affaires
criminelles de la Corrèze ne sortent pas de l'ordinaire des crimes
domestiques et crapuleux. Quant aux deux affaires de pédophilie, et à celle de
viol, elles sont symptomatiques du regard mineur qu'on leur accordait alors.
Citation
Citation
"Une sympathique rafale de mitrailleuse lors d'un assaut, une de ces charmantes balles émanant d'un shrapnel ou bien une belle marmite qui vous écrabouillait au sol comme une vulgaire bouse de vache, voilà les cadeaux mis en jeu quotidiennement à la grande loterie du front."
Rédacteur : Michel Amelin mercredi 09 mai
2012
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