dimanche 15 avril 2018

Les juifs oubliés du Saillant... un peu moins oubliés

Si vous passez par le petit village corrézien du Saillant de Voutezac, vous ne manquerez pas de remarquer une stèle, élevée contre le mur d'enceinte du château, sur laquelle on peut lire ceci:
Le 15 avril 1944, derrière ce mur, les troupes nazies rassemblèrent la population du Saillant. 21 otages furent arrêtés. Sur les 5 déportés au camp de Neuengamme, 4 ont été exterminés: Borie, Chauzu, Freyssinet, Lagueyrie. N'oublions jamais.
En 1994, dans un article relatant les événements de la rafle, et publié dans la revue Lemouzi sous le titre Le Saillant, 15 avril 1944..., Jean-Michel Valade montrait que parmi les 21 otages 5 autres avaient été eux aussi déportés, des juifs.
Il s'était ouvert de cette situation troublante auprès des différents maires - ou leurs adjoints - qui se sont succédé à la tête de la municipalité voutezacoise. En septembre 2008, il avait même écrit officiellement en ce sens au 1er magistrat alors en fonction. Son courrier était resté lettre morte.
Plus tard, c'était en octobre 2014, lors du colloque Nouveaux regards sur la Libération, Jean-Michel Valade avait présenté une communication, De la mémoire à l'histoire : les événements du Saillant, le 15 avril 1944, à l'aube de la libération de la Corrèze, dans laquelle il rappelait les faits et s'étonnait, à nouveau, de la persistance de cette mémoire juive étouffée.
Au cours de l'été 2016, considérant que la fiction pourrait, peut-être, servir la cause des juifs oubliés du Saillant, il publiait, chez Geste éditions, un court roman, La Stèle, dans lequel un juif réfugié dans le village de Saint-Vézac, en Bas-Limousin, et raflé au printemps 1944, revient 40 ans après lors de l'inauguration d'une pierre du souvenir.
La fiction historique - Saint-Vézac n'est pas sans ressembler au Saillant - a-t-elle accompli sa mission ? Toujours est-il qu'en février dernier, à l'issue d'une conférence donnée à Voutezac en présence de Mme le maire Nicole Poulverel, un entretien informel avec celle-ci a permis d'évoquer, de manière constructive, le message de la stèle du Saillant.
Et ce matin, jour de commémoration officielle de la rafle du 15 avril 1944, Mme le maire a cité dans son allocution les noms des 5 juifs raflés au Saillant et déportés à Birkenau et Kaunas : Jacques Biglazen, Henri Guitel, Hananel Revah, Miren Revah et Ida Revah.
Il convient de saluer cette initiative courageuse, ce premier pas heureux qui, à terme, il faut l'espérer, doit conduire à rétablir la vérité du message écrit sur la stèle du Saillant.

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