Le 10 juin 2011, le nom de Pierre Maurice Restoueix a été officiellement donné au Groupe scolaire d'Allassac.
Voici le texte de l'allocution prononcée par Jean-Michel Valade ce jour-là.
"Pour évoquer aujourd’hui, plus de cinq ans après sa disparition, Pierre Restoueix, celui qui fut pour la plupart d’entre nous Maurice, je m’approprierai ce mot qu’Edmond Michelet prononça en mémoire de l’un de ses camarades de déportation à Dachau, le communiste Germain Auboiroux, un de ces hommes, trop rares, dont on a dit qu’on se sentait meilleur rien qu’en pensant à eux .
Oui, sans conteste, Maurice appartenait bien à cette poignée d’individus qui irradient par leur humanité. A ces êtres capables de transcender la souffrance la plus absolue imposée par des hommes à d’autres hommes. A ces personnes qui, en toutes circonstances, durant ce XXe siècle de cendres et de sang, réussirent à tenir debout.
A la prison de Tulle, à la prison de Limoges, au Frontstalag de Compiègne, au camp central de Neuengamme et surtout au kommando de Drütte, où il resta près de dix mois, Pierre, dit Maurice, Restoueix fut, en effet, un Homme-Debout. Fidèle à ses convictions. Sûr de son engagement. Confiant en l’avènement d’un monde meilleur et plus juste. Ce monde fraternel et tolérant qu’il appelait de ses vœux. Lui, ce fils de fermier placé à onze ans et devenu ouvrier au temps du Front Populaire, aimait à dire que dans les camps il avait connu des gens remarquables parmi les aristos et les curés.
Ecoutons ce qu’il écrivait à cet égard : le grand enseignement que je garderai de la vie concentrationnaire, où toutes les couches de notre société se côtoyaient, s'entraidaient, de bas en haut de l'échelle sociale, où personne ne s'occupait des opinions ou de la religion de l'autre, c'était la solidarité entre Français. Ce sont ces leçons que nous aimerions faire comprendre à nos jeunes. Car ce sont des leçons qui furent payées un prix exorbitant en vies humaines .
En ce jour qui correspond, aussi, à la commémoration du massacre d’Oradour-sur-Glane, ces paroles de notre ami me semblaient devoir être rappelées, ici, devant une partie de la jeunesse d’Allassac, celle qui, désormais, est scolarisée dans le groupe Pierre Maurice Restoueix.
La jeunesse.
Pour la jeunesse, française comme allemande, l’ancien résistant de Libé-Nord, le matricule 32 033 à Neuengamme, était devenu un Homme-Mémoire.
A partir des années 1980, lorsque la parole des rescapés des camps s’est libérée, et que les mots ne se sont plus fait rebelle, il a commencé à témoigner.
Outre Rhin, d’abord. En 1985, sollicité par des jeunes gens de Salzgitter qui avaient retrouvé sa trace dans les archives de l’entreprise où il avait été contraint à travailler, notamment Eva, professeur de Français, qui va me succéder à ce lutrin, Maurice se rendit à plusieurs reprises, en pèlerinage, sur les lieux de sa déportation. Il en résulta non seulement des échanges fructueux – la présence d’Eva l’atteste encore aujourd’hui -, mais aussi l’aménagement d’un centre de mémoire et de documentation dans l’un des blocks mêmes du camp.
Et puis, plus tard, Maurice accepta de témoigner, avec d’autres, notamment René Simonet, son camarade de Lanteuil, déporté du même convoi de 2 004 hommes parti de Compiègne le 21 mai 1944 et dont je tenais à saluer la présence fraternelle cet après-midi à nos côtés.
Il s’exprima donc, en 1994 dans le film-vidéo Les derniers témoins corréziens du camp de Neuengamme puis, en 2002, dans l’ouvrage Au bout de l’enfer concentrationnaire nazi : la vie. Sans oublier l’interview enregistrée au Centre Michelet et destinée à la Fondation pour la Mémoire de la Déportation.
En ces trois circonstances, où j’étais à ses côtés, le prof d’histoire a beaucoup appris. Et le citoyen plus encore. Parce que le parcours de Maurice Restoueix, avant, pendant et après sa déportation, fut une extraordinaire leçon de vie.
En effet, cet homme-là n’avait pas la haine chevillée au corps. Lui, qui avait su rester debout en toutes circonstances, était l’incarnation même de la tolérance, de la générosité, de l’humanité.
Malgré ce qu’il avait subi en prison et dans le Reich nazi, Maurice Restoueix avait été capable d’éradiquer ce qu’André Malraux appelait la région cruciale de l’âme où le mal absolu s’oppose à la fraternité ".
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